Jaguar dans la tourmente : le rebranding radical déclenche un audit de son agence créative mondiale

Quelques mois après avoir opéré un rebranding audacieux et controversé, Jaguar Land Rover s’apprête à revoir sa stratégie créative mondiale. Selon les informations du Telegraph, le constructeur britannique aurait lancé un audit de son compte créatif global, actuellement géré par Accenture Song et Spark44, mettant en péril un contrat courant jusqu’en 2026.
Une identité visuelle jugée trop éloignée de l’ADN Jaguar
En septembre 2024, Jaguar dévoilait une nouvelle image de marque radicalement différente : exit le félin bondissant, symbole emblématique, et place à un logotype épuré, réduit aux initiales “J” et “L”, accompagné d’une palette de couleurs inattendue. Une rupture assumée avec l’héritage visuel de Jaguar, pensée pour marquer son virage vers l’électrique et s’ancrer dans une esthétique ultra-contemporaine.
Mais le résultat a été largement décrié, notamment sur les réseaux sociaux, dans la presse spécialisée et même dans les sphères politiques britanniques. La campagne de lancement, façon défilé de mode sous acide, ne mettait même pas en scène de véhicules, une hérésie pour de nombreux passionnés. Le spot publicitaire, aux accents psychédéliques et aux mannequins stylisés, visait à positionner Jaguar comme une marque de luxe disruptif. Mais la baseline « Copy Nothing » n’a pas convaincu.
Des ventes en chute libre
En 2024, les ventes de Jaguar ont chuté de plus de 25 %, passant de 61 661 unités en 2022 à 33 320 véhicules vendus seulement. Des chiffres alarmants pour une marque qui peine à séduire avec ce nouveau positionnement, jugé trop élitiste, trop déconnecté.
Interrogé par le Financial Times, Rawdon Glover, CEO de Jaguar, justifiait le choix stratégique :
« Si nous faisons comme les autres, nous serons noyés dans la masse. »
Rawdon Glover, CEO de Jaguar
Un pari de différenciation qui n’a pas porté ses fruits – du moins pas encore.
Audit stratégique : vers la fin du partenariat avec Accenture Song ?
L’audit en cours pourrait remettre en cause le contrat avec Accenture Song, dirigée par David Droga, et Spark44, partenaire historique. Officiellement, JLR ne lie pas cette révision aux critiques, déclarant par voie de presse :
« Par principe, nous ne commentons pas nos relations avec les prestataires. »
JLR
Mais le timing soulève des questions. La créativité d’Accenture, vantée pour son hybridation entre design et tech, est aujourd’hui fragilisée par une campagne qualifiée de “trop woke” par certains médias, dans la lignée des controverses qui ont récemment secoué des marques comme Bud Light ou Nike.
Une stratégie haut de gamme, mais à quel prix ?
Malgré la tempête, Jaguar ne fait pas marche arrière. Le constructeur britannique vise désormais le segment du luxe ultra-premium, avec des modèles dépassant les 100 000 £ (environ 118 700 €). Une stratégie qui suit celle déjà opérée par Land Rover : moins de volume, plus de valeur.
Un prototype – la Jaguar Type 00 – a été dévoilé, adoptant un design brutaliste proche du Tesla Cybertruck, ce qui a encore accentué les critiques. Le “Jag-man”, silhouette iconique des berlines sportives d’antan, a disparu. L’élégance anglaise s’efface au profit d’un univers graphique froid, géométrique, presque industriel.
Une crise de marque ou un électrochoc salutaire ?
Cette séquence trouble a au moins un mérite : relancer la conversation autour de Jaguar, une marque que beaucoup pensaient en déclin. Mais pour réussir son repositionnement, le constructeur devra plus que jamais réconcilier sa vision futuriste avec son ADN historique.
Car si l’ambition est de “ne rien copier”, encore faut-il ne pas tout perdre en chemin.